Les élucubrations d'un prof de collège

Les élucubrations d'un prof de collège

ESPErance ?

 


Dans un ancien billet, j'égratignais un peu l'inspection et les nouvelles ESPE. Sans doute quelques précisions sont-elles utiles sur le pourquoi du comment...

 

On commence à voir fleurir (peut être une conséquence de l'été indien qui se termine) sur les réseaux sociaux, nombre de critiques acerbes de néo-enseignants sur la formation qu'ils reçoivent dans les différentes Ecoles Supérieures du Professorat et de l'Enseignement (ESPE)

 

Si j'ai toujours eu conscience de la difficulté de proposer à chacun un contenu qui soit pertinent et adapté au besoin immédiat des jeunes collègues (plus encore depuis m'être frotté à la mission), il me semble qu'un certains nombres de critiques, qui semble ressurgir des anciens IUFM, peuvent être prises en compte. D'autant plus que j'ai eu le loisir de soulever un certains nombres de ces problèmes lors de mon passage à l'ESPE de Clermont-Ferrand. Si j'ai la certitude qu'ils ont été entendus par le directeur de la formation qui m'avait fait confiance dans la capitale auvergnate, il semblerait que la portée de ma voix se soit arrêtée aux portes de son bureau. Je profite donc de ma très modeste tribune citoyenne qu'est devenu ce blog afin de pousser un nouveau coup de gueule, ou plutôt un cri d'alarme.

 

Quand j’ai lu qu’une fois encore un certains nombres d’intervention sur le premier cours ou la préparation de séquences était développées en janvier dans les ESPE, j’ai bondi, me souvenant que lorsque j’avais évoqué le sujet avec l’inspecteur, demandant de pouvoir prendre les stagiaires avant la rentrée, il m’avait été rétorqué que c’était le travail de l’inspection d’accompagner les jeunes lauréats du concours. J’ai bondi également quand j’ai vu qu’à nouveau de lien entre le terrain et les ESPE ne semblait pas se faire, malgré la création des PFA (professeur formateur académique). J’ai sauté au plafond quand j’ai appris qu’il existait encore des tuteurs tortionnaires ou au discours polissé devant l’inspection et franchement … étonnant devant les stagiaires. J’ai été peiné de ne pouvoir continuer à intervenir dans la formation initiale, même si je n’ai pas perdu tout espoir. Quand j’ai entendu que les stagiaires devaient en plus de tout le reste, suivre et validés des unités de recherche pour avoir leur master 2. J’ai été amusé de voir que lors d’un entretien pour le poste de PFA on me proposait une lettre de mission digne du PDG de GDF Suez avec seulement deux heures de décharge, sans aucune garantie de continuer à intervenir à l’ESPE (difficile de faire le lien dans ses conditions il me semble) et sans aucune retraite chapeau !

 

Amuser si l’on veut… Plutôt très agacé de constater que les erreurs commises à mon époque recommençaient, inlassablement, comme si aucune leçon n’avait été tirée du passé.

 

Je m’apprêtais donc à pousser un grand cri, parce que je crois sincèrement à la formation initiale. Je crois aussi que, malheureusement, elle n’a plus les moyens de se payer le luxe des errements passés dans les IUFM. Dire qu’il n’y a aura pas de nouvelles chances est peut-être un peu fort. Ou peut-être pas. J’allais donc dézinguer à tout va. Il y allait avoir du sang et des larmes. Pour finalement écrire un billet que je n’aurais pas aimé. Sans doute est-ce pour cela qu’il est dans la zone « en travaux » depuis quelques semaines. J’allais attaquer des fonctions ou des personnes. Rejeter la faute sur tel ou tel corps. Ce serait tellement facile. Tellement populaire. Tellement
constructif…

 

Alors j’ai muri ce coup de gueule. J’ai cogité. J’ai échangé, discuté. J’ai passé des heures à essayer de comprendre ce qui clochait dans cette formation initiale nouvelle mouture. Qu’est ce qui, dans la création des ESPE, pouvait amener à une situation à mon sens très inquiétante ? On pouvait et on devait remettre en cause l’efficacité des IUFM qui avait sans doute failli dans leur mission première de former des professeurs. Failli à  tel point qu’on crut bon de supprimer toute formation initiale. Il fallait donc reconstruire. Il a été fait le choix d’encadrer le travail des IUFM en les renommant ESPE. Encadrer, contrôler, une technique bien connue dans l’éducation nationale. Eprouvée, je ne saurais dire, mais je suis sceptique. Quand quelque chose ne fonctionne pas dans notre système éducatif, on crée un deuxième responsable : ou en étendant une prérogative, ce qui est le cas ici, ou en créant de toute pièce une nouvelle structure. Je ne suis pas sur que tout cela soit gage d’efficacité.

 

Le ministère s’est donc appuyé sur les deux leviers qu’il jugeait légitimes et qu’il avait à disposition pour faire pression sur la formation des maitres : l’université d’un côté, experte en charge de la formation des étudiants en post-bac et l’inspection de l’autre, experte en gestion des personnels enseignants. L’idée pouvait paraitre séduisante… Peut-être.

 

Si je résume (attention il va falloir suivre), on a constaté la faillite des IUFM qui formaient des enseignants à temps plein.

On a demandé aux universités de former des étudiants à un master 2 de l’enseignement. Université qui forme des universitaires (et c’est leur travail).

On a étendu le rôle de l’inspection dans la formation initiale : un inspecteur, on lui demande avant tout de gérer de bons fonctionnaires (et c’est le travail pour lequel on le paie, c’est un fait, pas un jugement de valeur). Ce qui n’est pas incompatible, mais pas complètement la même chose que former un bon enseignant.

Donc, en introduisant dans les ESPE (placées dans le giron des facultés il faut suivre un peu) les inspecteurs, on a mis en concurrence deux mondes qui vont avoir beaucoup de mal à se rapprocher puisque chacun lutte pour conserver ses prérogatives (et utilise évidemment chaque opportunité qui lui est offerte pour les étendre) : inspection et université.

Les ESPE, chargées de la formation des professeurs, se retrouvent donc coincer entre les deux. Tiraillée d’un côté par les universités bien contentes de récupérer un peu d’argent et quelques postes qui auraient dû échouer à la formation (oui, oui…). Déchirée de l’autre par les inspecteurs qui ont récupérés les PFA au détriment de certaines heures de décharges distribuées par le rectorat pour la formation initiale.

 

Ces ESPE, IUFM nouvelles générations, sont donc censées faire mieux que leurs peu glorieuses ancêtres. Cela me paraissait compliqué. En ayant eu la chance d’échanger avec quelques jeunes collègues stagiaires, j’ai l’étrange sensation de voir mes craintes se réaliser. Cela pourrait être amusant, s’il n’y avait des professeurs coincés au milieu. Des professeurs qui ont en charge des élèves.

 

 

 

Haut Retour



12/11/2014 2 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Liens

Voir les articles de la catégorie Coups de gueule